Avant-propos du glossaire de botanique d'Alexandre de Thèis
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    Alexandre de Thèis
    Origine de la Botanique
       Le premier mouvement de l'homme qui voit une fleur est de la cueillir; sa première idée est de chercher à la connaître. A l'origine de la Botanique, il ne faillait pas de longs efforts pour y parvenir. Du tact pour saisir les ressemblances, quelque disposition à retenir de légères descriptions, suffisaient à l'étudiant pour embrasser promptement tout le système végétal connu. "Un petit nombre de noms désignaient les plantes les plus remarquables dont ils exprimaient en même temps les qualités extérieures et les vertus, soit réelles, soit imaginaires. Transmis de race en race par la seule tradition, ils s'accrurent peu à peu de tout ce que l'expérience ou le hasard firent découvrir; enfin des catalogues commencèrent à se former, et l'on écrivit pour l'usage de quelques-uns ce que la mémoire de tous ne pouvait plus retenir.

    Ce qu'elle était chez les Grecs
       C'est au plus beau moment de la Grèce que remontent les véritables annales de la Botanique, Hippocrate composa le premier un traité des plantes employées en médecine; mais comme il ne donna jamais rien au hasard, et qu'il n'avança rien dont il n'eût la preuve par lui-même la liste des plantes qu'il indique dut nécessairement être bornée Aristote et Théophraste, son disciple, le suivirent bientôt; donnant une base plus étendue à leur travail, ils mirent de la méthode dans les définitions, de la clarté dans les idées, et joignant leur propre instruction aux lumières de ceux qui les avoient précèdes, leurs ouvrages devinrent la source où durent puiser leurs successeurs.
       Disons-le cependant, ces brillants essais n'amenèrent pas d'abord les progrès qu'on en devait attendre, et loin de les surpasser, on ne fit de longtemps rien qui les égalât.

    Chez les Romains
       Les Romains ne connurent les plantes que sous le rapport de l'agriculture; ce qu'en ont écrit Varron, Caton, Columelle, porte un caractère de simplicité plus touchant qu'instructif, et Pline, tout à la fois orateur, moraliste et philosophe, donne, plutôt de sublimes notions de la Nature, qu'une connaissance exacte de ses productions.
       La science semblait fixée, parce que ce n'était pas la science même que l'on cherchait. Les anciens ne voyant dans les plantes que ce qui se rapportait à eux-mêmes. Tout ce qui n'offrait pas un remède, tout ce qui ne soulageait pas un besoin, ou ne procurait pas une jouissance, ne semblait pas digne d'être cite.
    L'histoire des plantes n'était qu'un supplément de celle de l'homme; de là le petit nombre de celles que l'on connut dans ces premiers temps Théophraste n'en décrit que cinq cents, parmi lesquelles il en est beaucoup d'étrangères à la Grèce. Dioscorides, après un long intervalle, en compte à peine davantage, et Pline écrivant trois siècles après Théophraste, et parlant de tout ce qui existait dans le monde connu, ne va pas au-delà de huit cents.

    Chez les Arabes
       Lorsque les Barbares du nord chassèrent les sciences de la Grèce et de l'Italie, leur ancienne patrie, elles fleurirent parmi les Arabes; mais attachés de temps immémorial aux sciences occultes, ils augmentèrent encore la longue liste des vertus des plantes en diminuant celle des plantes mêmes; les recettes l'emportèrent sur les descriptions et l'empirisme oriental détruisit la science à force de vouloir la rendre merveilleuse.

    Elle renaît en Europe
       Enfin, l'Europe aprprès avoir langui dans la barbarie et l'ignorance, s'efforçait d'en sortir pour la seconde fois. La Botanique replacée à son rang fut étudiée avec application. Les anciens ouvrages furent consultés et traduits. Passant de l'oubli à l'enthousiasme, on ne voulut connaître que les Grecs et les Latins, et l'on aurait nié jusqu'à l'existence d'une plante qu'ils n'auraient pas connue. Ce temps fut celui des commentateurs. Peut-être eussent-ils mieux fait de consulter la Nature que les livres; mais la Botanique moderne est tellement liée a l'ancienne par la nomenclature, que l'on doit de la reconnaissance aux hommes savants et laborieux dont elle fut l'unique étude. Après les commentateurs, vinrent les véritables auteurs. En convenant de toutes les vertus que possèdent les plantes, en convenant même que nous n'en connaissons qu'une très petite partie, on sentit que l'on pouvait y voir autre chose que des remèdes. On voulut connaître l'histoire naturelle pour l'amour d'elle-même; c'est alors qu'elle fit de véritables progrès, et que le règne végétal parut dans tout son éclat.

    Le nombre des plantes augmente
       On découvrit des plantes où l'on n'en soupçonnait même pas. Le rocher se couvrit de lichens imperceptible, et le vieux tronc d'arbre chargé de mousses de toute espèce, offrit en raccourci la forêt dont il semblait n'être plus qu'un débris.

    La découverte de l'Amérique l'accroît encore
       Vers la même époque un événement inattendu causa dans toutes les sciences une révolution subite : l'Amérique fut découverte. Un monde nouveau communique ses productions à l'ancien, et la Botanique accrue ne pouvait plus distinguer ses richesses. Tant d'objets nouveaux amenèrent nécessairement de nouvelles manières de les exprimer. La nomenclature prit un accroissement rapide, et par son étendue elle commençait à nuire à la science, lorsque l'on conçut l'heureuse idée de grouper toutes les plantes dont les caractères essentiels sont semblables, et de leur donner un nom commun.

    Tournefort
       Ce plan tracé d'abord par Gesner, imparfaitement suivi par Morison, Ray, etc., reçut de Tournefort son entière exécution.
    D'après des principes qu'il établit, il divisa toutes les plantes connues, en six cent soixante-treize genres, subdivisés en un certain nombre d'espèces dont une phrase descriptive marqua les différences. C'était gagner beaucoup que d'avoir aussi peu de noms principaux à retenir, mais la difficulté restait entière, elle était même augmentée pour les espèces. Le simple catalogue d'un jardin ou d'un herbier devenait un livre de Botanique, et la science simplifiée dans ses principes, devenait diffuse dans ses développements.

    Linné
       Linné parut alors doué d'un génie étendu et d'un esprit concis, il entreprit la réforme do la Botanique. Refondant la plupart des genres, en ajoutant un grand nombre, il éleva, selon sa propre expression, un nouvel édifice et réduisant les phrases dénominatives à de simples épithètes, le nom d'une plante ne fut plus composé que de deux mots. La Botanique acquit alors une simplicité qu'elle n'avait pas encore eue, et des plantes da toutes les parties du globe vinrent se ranger dans les cadres qui leur étaient préparés.
       Tel était l'état de la Botanique quand, vers la fin du XVIII." siècle, un nouvel abus vint s'y introduire, et ce furent principalement les voyageurs botanistes qui le causèrent. Moins attentifs à bien connaître les anciens genres qu'empressés d'en créer eux-mêmes, on vit paraître des Flores de tous les pays, où sous des noms nouveaux, figurèrent des plantes déjà connues. Ce que l'un donnait comme un genre, l'autre le classait comme espèce. Beaucoup de plantes reçurent des noms différents dans plusieurs pays et quelquefois chez la même nation.

    Antoine-Laurent de Jussieu
       Une grande autorité pouvait seule ramener la science à l'identité. Un homme d'un nom cher à la Botanique, A. L, de Jussieu, l'entreprit, Par un travail prodigieux, il examina tous les genres dédoublant les uns, réunissant les autres, n'en créant lui-même qu'avec circonspection, il établit des lois qui ne sauraient être méconnues que par les jalousies nationales.

    État actuel de la Botanique
       C'est par ces gradations que la Botanique est enfin arrivée au point où nous la voyons maintenant. A peine un art en son enfance, elle est devenue, avec le temps, une science importante et que la vie d'un homme n'embrasse qu'avec difficulté.

    Difficultés qu'elle offre encore
       En effet, outre l'esprit d'ordre et d'observation qui la caractérise, elle exige un effort de mémoire qui rebute ceux qu'une passion décidée n'entraîne pas. Effrayés à la vue de tant de noms compliqués qu'ils désespèrent de retenir, de tant de locutions étrangères qui ne leur présentent aucun sens, ils abandonnent une étude qui ne leur offre que des épines, au lieu des fleurs qu'elle leur promettait.

    Moyen de les lever
       Il est dans la nature de l'homme de repousser ce qu'il ne comprend pas, et de se rendre à l'explication. Les mots n'étant faits que pour rendre les idées, dès l'instant qu'ils cessent d'en présenter, ils ne sont plus qu'un vain son qui frappe l'oreille sans aller au-delà; au contraire, la mémoire s'en charge avec facilité lorsqu'ils renferment un sens qui plaît à l'esprit.

    But de l'ouvrage
       Un traité de l'origine des noms est donc devenu nécessaire à la Botanique, et puisque l'étendue de sa nomenclature en a fait une langue, il lui faut son dictionnaire.
       On le présente au public. Examinant dans le plus grand détail toutes les parties du système végétal, demandant à chaque plante ses titres, pour ainsi dire, on est parvenu, par un travail long et pénible, à donner il la science des archives authentiques.
       Ce dictionnaire diffère essentiellement des autres ouvrages de ce genre, par la méthode que l'on a suivie. La plupart des étymologistes se sont contentés de puiser dans les langues grecque et latine, et d'ordinaire quelque ressemblance accidentelle dans les mots, leur a suffi pour faire des rapprochements souvent démentis par l'histoire. La marche des langues ne peut s'expliquer que par celle des peuples. Le grec s'étant formé principalement des langues celtique et orientales, c' est dans ces sources qu'il faut chercher l'origine des noms primitifs dont le grec ne saurait donner l'explication légitime.
       Ainsi les noms de beaucoup de plantes d'Europe, s'expliquent facilement par la connaissance des différents dialectes de la langue celtique, et c'est dans les langues orientales qu'il faut chercher lu nom des productions de l'Asie transmises aux Grecs par les Orientaux.
       En suivant constamment ce principe, on a donné le plus grand développement à tout ce qui tient aux Celtes, ces premiers habitants de l'Europe. On a suivi leur langue dans ses différentes ramifications, et souvent on verra qu'une plante est aussi bien désignée par son nom seul que par sa description. On a de même reporté aux langues orientales tout ce qui en est dérivé, et l'on n'a rien écrit sans indiquer d'une manière précise les autorités dont on s'est appuyé. Mais sans parler davantage des éléments et du but de cet ouvrage, il convient d'en développer le plan.

    Division des noms
       Tous les noms donnés aux plantes peuvent être divisés en noms anciens, noms modernes imités des anciens, noms patronimiques et noms étrangers.

    Noms anciens
       Les noms anciens sont tirés des principaux auteurs de la Grèce et de Rome. Transmis d'âge en âge, ils sont devenus la base de la Botanique, et dans les divers changements qu'elle a subis, on n'a jamais tenté de les changer. Ils ont une précision, une élégance qui les distinguent, et tous renferment un sens mais pour le découvrir il a fallu souvent revenir aux premières époques des langues, et quelquefois même remonter jusqu'aux principes qui les composent.
       Lorsque les botanistes modernes n'ont pas pu constater les plantes décrites par Théophraste, Dioscorides, Pline, etc., ils en ont du moins conservé les noms en les donnant à des plantes nouvelles qui justifient par quelque analogie l'application qu'ils en ont faite. Par une suite du même principe, on a tiré parti des synonymes qu'offre la richesse des langues grecque et latine enfin on a consacré tout ce qui tient à l'antiquité.

    Noms modernes
       La seconde série comprend les noms modernes imités d'après les anciens. Ils ont sur ces modèles l'avantage d'une origine certaine et d'une expression plus savante; mais ils en ont rarement l'harmonie, et l'on peut douter que les herbières d'Athènes, si sévères envers Théophraste, eussent reconnu le droit de bourgeoisie de la plupart de ceux qui les ont composés.

    Noms patronimiques
       Les noms patronimiques remontent à la plus haute antiquité ; Hercule, Chiron, Achilles, apprirent aux hommes l'usage de plusieurs plantes médicinales que l'on appela de leurs noms, pour conserver la mémoire d'un si grand bienfait; mais cet honneur ne fut jamais prodigué, et l'on doit remarquer que les Romains ne l'accordèrent à personne. Matthiole fut le premier qui renouvela cet usage en faveur de son ami Cortusus; on l'a depuis généralement adopté, et ceux qui contribuèrent aux progrès de la science, en ont été récompensés par la science même. Remontant à l'origine de la Botanique, on n'en a pas oublié les fondateurs; ils ont reçu de nous ce que leurs contemporains leur avaient refusé.
       On doit dire à l'honneur de la Botanique, qu'elle ne s'est pas souvent dégradée par la flatterie; si des noms de rois et de princes figurent dans ses annales, c'est que par une protection toujours efficace de la part des hommes puissants, ils en ont favorisé les succès. Il appartient aux souverains d'aimer les sciences et de les encourager c'est à d'autres de les cultiver.
       La liste des plantes qui portent des noms d'hommes est aujourd'hui considérable, et souvent il a fallu beaucoup de recherches pour constater leur existence. On indiquera leur patrie, la date de leur naissance et de celle de leur mort, et l'on donnera le titre de leurs principaux ouvrages. Quant au petit nombre de ceux qui sont échappe'» à l'histoire, on s'est contenté de rapporter l'époque de la publication de leurs écrits.

    Noms étrangers
       Parmi les noms étrangers, on doit distinguer d'abord ceux qui tiennent aux langues orientales proprement dites. Le vocabulaire de toutes les sciences se ressent encore de l'influence qu'ont eue les Arabes, et la Botanique ancienne et moderne en a emprunté tant de noms, qu'ils méritent une attention particulière. Comme il arrive souvent que dans le pays même, ils varient d'un canton à l'autre, et qu'en outre, les divers peuples d'Europe les rendent par des signes différents, selon leur propre prononciation, on a pris le parti d'y joindre le texte en se servant de l'alphabet harmonique inventé par le savant Langlès. Le lecteur n'aura qu'à se rappeler la patrie de l'auteur cité, et le lieu où il a voyagé, pour distinguer les changements qu'il a pu faire, des variations qui viennent de son sujet.
       Les autres noms étrangers appartiennent à tous les siècles, comme à toutes les langues. Introduits successivement par les voyageurs , ils ont imprimé à la Botanique un aspect rude et sauvage; et par la désinence latine qu'on leur a donnée ils sont en même temps devenu étrangers à leur propre pays.
    Sans doute ils ont une signification; mais comme elle est rarement arrivée jusqu'à nous, on s'est contenté de les ramener à leur origine exacte, en indiquant d'une manière détaillée les auteurs qui nous les ont transmis.

    Noms spécifiques
       Après chaque genre on est descendu aux noms spécifiques, et l'on en a de même donné l'explication. Ceux qui tiennent à la simple latinité n'ont été relevés que lorsqu'ils présentent un sens obscur ou trompeur.

    Noms vulgaires
       On n'a pas cru déroger à la dignité de la Botanique en donnant l'étymologie des noms vulgaires, soit en français, soit en d'autres langues modernes. On doit d'autant moins les rejeter, que souvent ils aident à la connaissance du nom technique. Dans les différentes décompositions et recompositions qu'ont éprouvées toutes les langues d'Europe, il est des éléments qui se retrouvent toujours, et qui suivis avec méthode, les ramènent à une origine commune.
       On ne suivra pas plus loin l'analyse de ce dictionnaire; par la nature même du sujet il ne saurait être entièrement termine. Le passé ne sera jamais suffisamment connu et l'avenir n'a pas de bornes. C'est principalement à cet ouvrage que l'on peut l' appliquer ces paroles de l'Écriture : Lorsque l'homme croit avoir fini, il s'aperçoit qu'il n'a fait que commencer.


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