Myristica fragrans - Muscadier, Noyer muscade
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    Nom commun : Muscadier, Noix muscade, Noyer muscade, nommée par les anglophones 'Nutmeg', en allemand 'Walnuss Muskat', en arabe 'lgouza', en espagnol 'Nuez moscada' et en italien 'Noce moscata'.
    Nom latin : Myristica fragrans  Houtt.*, synonymes Myristica aromatica  Lam.*, Myristica moschata  Thunb.*
    famille : Myristicaceae.
    catégorie : arbuste dioïque à l'écorce lisse gris-vert.
    port : pyramidale, dense à cime arrondie.
    feuillage : persistant, coriace, aromatique, vert foncé, brillant sur le dessus, revers plus clair aux nervures fortement marquées. Feuilles alternes, ovales à lancéolées pourvues d'un court pétiole.
    floraison : tout au long de l'année, unisexuée et parfumée. Corymbes axillaires de petites fleurs (1 cm) les mâles à 3 pétales épais en forme de clochette aux étamines soudées, les femelles solitaires sont pourvues d'un seul carpelle.
    couleur : blanc pour les mâles et jaune crème pour les femelles.
    fruits : tout au long de l'année, baies charnues comestibles qui ressemblant à un abricot, qui à la particularité de s'ouvrir en deux pour libérer une graine (appelée à tort noix de muscade) au tégument marron-noir enchâssée dans un brillant arille écarlate, rétiforme lacinié et parfumé appelé macis. La dispersion des graines est assurée par les oiseaux.
    croissance : moyenne.
    hauteur : 8 à 20 m.
    plantation : sous climat approprié en toutes saisons, ailleurs à cultiver en serre ou dans des potées que l'on rentre l'hiver.
    multiplication : par semis à chaud au printemps ou à l'automne compter au moins 6 semaines pour la levée. Le bouturage semble peut évident, le greffage s'effectue au printemps ou à l'automne, compter au moins 8 ans avant de pouvoir effectuer la première récolte, sur les sujets femelles évidemment.
    sol : riche, frais mais bien drainé, une préférence pour les sols d'origine volcanique.
    emplacement : mi-ombre à l'abri des vents, tolère les embruns.
    zone : 12 en zone tropicale humide. Ailleurs, en serre chaude et humide, il ne supporte ni la pollution atmosphérique ni la sécheresse.
    origine : est de l'Indonésie, dans l'archipel des îles Moluques* (est de l'archipel de Banda au sud-est d'Ambon), les plus anciennes plantations se situent sur l'île de Rozengein, aujourd'hui le muscadier est largement répandu et cultivé dans les archipels de l'Océan Indien ainsi qu'aux petites Antilles, dont la Grenade (l'Ile aux épices), où il y fut introduit sous le règne de George III d'Angleterre.
    Le 7 septembre 2004, le passage de l'ouragan Ivan à détruit 80% des plantations, partiellement replantées (diversification des ressources), les premières récoltes ont eu lieu vers 2011, pour l'instant la Grenade maintient son rang de deuxième pays producteur grâce à ses réserves.
    NB : son nom Myristica  vient du grec 'muristikos' qui signifie parfumé et fragrans  vient de l'adjectif latin qui signifie lui aussi parfumé, une insistance faisant référence certainement à ses trois parfums, feuillage, noix et macis*, son nom commun fait aussi référence à son arôme musqué.
    Ce genre comprend environ quatre vingt espèces d'arbres ou arbustes persistants, tous originaires de l'Asie tropicale (archipel compris), du nord de l'Australie et des îles du Pacifique.
    Les îles Moluques et les plantations étaient la possession des Hollandais qui luttèrent pour conserver le plus longtemps possible le monopole des épices ( détenu par la Compagnie des Indes néerlandaises) et c'est le botaniste français Pierre Poivre (1719-1786) qui en 1753 réussit à voler quelques plants de giroflier et parait-il 5 muscadiers qui furent acclimatés par Fusée Aublet*, responsable du Jardin des Pamplemousse (île Maurice) avant d'être diffusé vers la Guadeloupe, la Guyane et Madagascar, vers 1778 un muscadier fut rapporte en France. Ce n'est que vers 1770, que les premiers plants chapardés furent rapportés par Pierre Poivre.
    Propriétés et utilisations :
    L'enveloppe jaune parfumée et charnue après fermentation donne une boisson alcoolisée, localement cette chair est utilisée pour confectionner confitures, gelées et pickles.
    Une fois séché, l'arille appelé macis* est commercialisé comme condiment dans les mets sucrés et salés, il entre dans la composition du Garam masala en association à la cardamome , à la coriandre, au fenouil, aux clous de girofle et au poivre.
    On en extrait une huile essentielle utilisée en parfumerie, dans l'industrie alimentaire (charcuterie et viandes transformées) et par les liquoristes qui l'utilisent dans la confection de vins et liqueurs (Vin de noix, Liqueur d'ananas ou Liqueur d'angélique).
    Elle a des propriétés anti-inflammatoires, digestives, carminatives et expectorantes et les anciens lui attribuaient des propriétés aphrodisiaques confectionnant avec breuvages et liqueurs envoûtantes.
    Dans l'art de conserver sa santé de l'inestimable école de Salerne* il était préconisé de "mâcher un peu de muscade ou cannelle, ou racine d'iris ou d'angélique, ... comme remède contre toute puanteur de bouche, ou mauvaise haleine, procédant de corruption en l'estomac".
    La graine après un séchage de quatre à six semaines est débarrassée de son tégument marron, avant d'être commercialisée entière, en morceaux ou réduite en poudre, il est recommandé de l'acheter entière pour en râper un peu, au fur et à mesure, en veillant à la conserver dans un bocal hermétiquement fermé à l'abri de la lumière.
    Utilisée comme condiment pour relever les boudins (antillais), currys, viandes (veau) et terrines, poissons, sauces blanches (dont la béchamel) et ketchups, tourtes et tartes, légumes, purées (courge, pomme de terre), biscuits (associées avec des zestes d'orange) chocolat, cakes anglais, crêpes, crèmes et laitages, desserts aux fruits frais ou fruits cuits (pommes), gâteaux et pâtisseries, boissons et cocktails (Alexander baby, brandy egg-nog, brandy flip, hyprocras, night cap, porto Flip, punch brûlant ou planter's punch, vin, café (Maroc) ou chocolat chaud et ce râpé à dose infinitésimale, car elle peut à forte dose être toxique elle contient entre autre de l'atropine, du cyanure, des dérivés terpéniques, du safrole et de la myristicine, un alcaloïde aux propriétés euphorisantes et stupéfiantes qui selon le dosage, peut provoquer nausées, vertiges, troubles du système nerveux et tachycardie, on considère qu'une dose de 5 grammes est mortelle pour l'homme.
    Le peintre albigeois Toulouse-Lautrec grand amateur de porto ne se séparait jamais de sa râpe et de sa noix pour en saupoudrer un peu sur ce vin.
    Toujours comme condiment, elle entre dans la composition de mélanges d'épices tels que le Quatre épices (noix de muscade, gingembre, clous de girofle et poivre du Sichuan).
    Le Cinq-parfums ou Cinq épices (cumin, badiane, gingembre, noix muscade et poivre du Sichuan ou Zanthoxylum piperitum .
    Le Colombo (noix muscade, ail, cannelle, cardamome, graines de coriandre grillées, cumin, curcuma, graine de moutarde, poivre, tamarin et safran).
    Le Ras el hanout*, un subtil mélange de noix de muscade et macis, cannelle, au Maroc dans le traditionnel on met une petite pincée d'aphrodisiaque Lytta vesicatoria  plus connue sous le nom de cantharide, cardamome , curcuma, poivre des Moines, galanga (rhizome de Alpinia galanga, clous de girofle, gingembre blanc, lavande, poivre maniguette Aframomum meleguetta , cumin noir Nigella sativa, piment de la Jamaïque, poivre noir, poivre long piper longum  boutons de roses de Damas, poudre de rhizomes Iris germanica et Iris florentina.
    De cette noix et du macis, sont extraites des huiles essentielles de composition assez proche, riches en bornéol, géraniol, linalol, terpinéol, myristicine et en terpènes (alpha- pinène, P-cymène, camphène, limonène) la plus réputée et celle des muscadiers des îles Banda.
    Après extraction, le résidus de graisse (environ 40%) appelé beurre de muscade est utilisé dans l'industrie pharmaceutique, para-pharmaceutique et cosmétologique pour confectionner crèmes, onguents dermatologiques ou non, huiles capillaires, lotions et savons.
    L'essence de muscade entre à faible dose dans la composition de parfums* pour homme, déodorants, gels douche (Axe) et savons, apportant des notes chyprées, épicées ou piquantes comme dans "Romance Men Silver" de Ralph Lauren, "Contradiction for Men" et "Obsession for Men" de Calvin Klein, "Noir Épices" de Michel Roudnitska.
    Olfactivement elle peut être confondue et même carrément substituée par la moins coûteuse Sauge sclarée Salvia sclarea .
    Cette essence contient de l'aldéhyde cinnamique, un irritant figurant sur la liste des fragrances pouvant provoquer des intolérances (allergies) aux parfums.
    Bien que hautement toxique, les diverses pharmacopées traditionnelles la prescrivent avec prudence pour ses propriétés antidiarrhéiques et antiseptiques (intestinales) antinévralgiques, anti-inflammatoires (rhumatismes et règles) en usage externe, elle est réputée avoir des effets sur les hémorroïdes (onguent).
    Dans la pharmacopée traditionnelle chinoise 'Hu sui' est prescrite régulièrement pour ses propriétés antidiarrhéiques, digestives et stomachiques pour traiter flatulences nausées et vomissements.
    Dans la pharmacopée ayurvédique,  'Jaiphala' est prescrite seule ou associée à d'autres plantes en usage interne ou externe pour les mêmes propriétés stimulantes (appétit et asthénie) digestives, carminatives, pour traiter la diarrhée et les vomissements, les troubles rénaux, l'incontinence urinaire et évidemment les troubles du sommeil. Dans toutes ces pharmacopées, elle est déconseillée aux femmes enceintes, autrement elle régule la menstruation.
    Au cours du VIème siècle, la noix de muscade emprunte les routes maritimes des marins austronésiens vers les Indes pour emprunter la route des épices des caravaniers Bédouins pour parvenir à la Cour de l'Empire byzantin. Un commerce fort lucratif que  s'emparent les Portugais en 1512 lorsque les deux vaisseaux d'Antonio de Abreu abordent le volcanique archipel de Banda (10 îles) qu'ils annexent juste après l'établissement de leur comptoir à Malacca, jusqu'à ce qu'en 1599, les Hollandais talonnés par les Anglais fassent main basse sur cet eldorado, s'assurant ainsi le monopole du commerce des épices dans toute la région après que le gouverneur Jan Pieterszoon Coen mène en 1621 un véritable génocide contre les autochtones musulmans pour que les planteurs hollandais (perkeniers) s'approprient les terres et réduisent en esclavage les survivants, détruisant sur les îles avoisinantes toutes tentatives de plantation, ce n'est que vers 1864, les plantations de muscadiers retrouvèrent quasiment leur liberté
    Avec d'autres épices dont l'usage était religieux avant d'être pharmaceutique apparaît chez les apothicaires du sud de la France aux alentours de 1360. Jacques Melior, apothicaire de la cour des Papes, approvisionnait le quatrième pape d'Avignon Innocent VI* en muscade, épices et plantes médicinales fraîches ou sèches.
    La muscade entre dans la composition du vinaigre des 4 voleurs (deuxième formule de 1758) vinaigre de vin blanc, acide acétique, ail, acore acorus calamus grande et petite absinthe, camphre, cannelle, clous de girofle, lavande, menthe, romarin, rue, sauge) un vinaigre inventé à Toulouse qui fut utilisé pour se protéger durant les grandes pestes de 1628 et 1720.
    La muscade entre dans la composition de la célèbre Eau de Mélisse fabriquée en 1611 avec beaucoup de mélisse fraîche en fleur, un peu de zeste frais de citron, de cannelle de Ceylan, de Girofle, de coriandre, de racine d'Angélique mises à macérer dans de l'alcool à 80° durant 4 jours avant d'être distillée.
    Gerald D. Carr ©

    Annotations :
    *Aublet, Jean-Baptiste Christian Fusée Aublet (1720 - 1778) botaniste français, l'apothicaire de la Compagnie des Indes à l’île de la Réunion durant 9 année, par la suite il séjourne deux années en Guyane puis il publie en 1775 la première flore sur la Guyane sous le titre 'Histoire des plantes de la Guiane françoise, rangées suivant la méthode sexuelle, avec plusieurs mémoires sur différents objets intéressants, relatifs à la culture et au commerce de la Guiane françoise, et une notice des plantes de l’île de France' dont un exemplaire se trouve depuis peu au Musée des Cultures Guyanaises à Cayenne.
    *École de Salerne en Italie, du IXe au XIVe siècle, la plus célèbre de toutes celles qui furent fondées en Occident, école religieuse ou laïque selon les époques, elle eut un rôle primordiale dans l'enseignement et la diffusion de conseils d'hygiène, de la médecine et de la chirurgie, dont les préceptes médicaux étaient rédigés en latin traduit en français en 1880. C'est une ordonnance du Roi de Naples Joachim Murat (1787-1815) qui fait fermer ses porte en novembre 1820.
    *Houtt., abréviation botanique pour le médecin, naturaliste et botaniste néerlandais Maarten Houttuyn (Martinus) (1720-1798) auteur du monumentale et célèbre ouvrage sur l'histoire naturelle fondée sur la systématique de Linné 'Natuurlijke Historie de uitvoerige beschrijving der dieren, planten en mineraalen, volgens het samenstel van de Heer Linné' en 37 volumes à partir de 1761 jusqu'en 1785. On lui doit également de nombreux autres ouvrages d'histoire naturelle. Il participe à la version néerlandaise de 'Icones Plantarum Medicinalium' de Johannes Zorn (1779), toujours réédité. Un genre lui est dédié Houttuynia.
    *Innocent VI, c'est le nom pris en 1352 par le cardinal juriste et diplomate Étienne Aubert (1352-1362), un dispendieux bâtisseur à l'origine des nouveaux remparts pour protéger la ville d’Avignon durant la guerre de 100 ans. Il fait construire la chapelle Saint Jean Baptiste près du palais des Papes qu'il entreprend de modifier. On lui doit également la construction de la Chartreuse du Val de Bénédiction de Villeneuve-lès-Avignon et sa prison sur l‘emplacement de son palais cardinalice, où il est inhumé dans un splendide tombeau dans la Chapelle du Saint-Esprit et ses neveux tous cardinaux, vont continuer son oeuvre. En 1365, le palais d’Aubert-Innocent VI brûle, dans des circonstances méconnues. Durant son pontificat, il s'engage en Italie dans des guerres dispendieuses et infructueuses.
    *Lam., abréviation botanique pour le naturaliste-biologiste-botaniste français Jean Baptiste Antoine Pierre de Monnet de Lamarck (1744-1829), fondateur de la biologie, il en établi les principes théoriques, voir Philosophie zoologique (1809) où il met en place une nouvelle classification pour les animaux; il est considéré comme le plus grand botaniste de son temps, on lui doit un traité de botanique 'Encyclopédie méthodique' (1783-1793), il y énonce un principe fondamental sur l'évolution des animaux et végétaux qui sous l'influence de diverses conditions induisent des adaptations et modifications. Auteur 'Histoire des mollusques', ouvrage de référence dans la nomenclature des coquillages.
    *Macis, vient du latin 'macir' qui signifie écorce aromatique, ce macis est nommé fleur de muscade.
    *Parfum de scandale, prendre le temps de lire l'enquête de Greenpeace, sur la composition chimique d'eaux de toilette et eaux de parfum de marques parfois prestigieuses, contenant des phtalates et des muscs de synthèse; consulter le format Pdf publié en 2005.
    *Ras el hanout, signifie la tête de l’épicerie parce que les épices sont toujours sur le devant des étalages.
    *Thunb., abréviation botanique pour le botaniste, naturaliste explorateur suédois Carl Peter Thunberg (1743- 1822), à qui l'on doit la publication de Flora japonica en 1784, suivie de Flora capensis (1807-1812). Un genre riche de 200 espèces lui a été dédié Thunbergia et 261 espèces et sous-espèces sous la forme thunbergii.
    La collection des ouvrages nordiques (fenno-scandinaves) est réunie à la Bibliothèque Sainte Geneviève de Paris; dans sa bibliothèque numérique vous pouvez y consulter entre autre la traduction du tome second du Voyage au Japon de CP.P.Thunberg par le Cap de Bonne-Espérance, les îles de la Sonde, illustré de planches d'histoire naturelle de J.H. Lamarck, édité à Paris en 1706.
    natacha mauric © 07/01/2006 ® Jardin! L'Encyclopédie
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Cueillette de la noix de Muscade aux Moluques





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